"Il était une fois, quand nous avions tout."

mercredi 18 février 2015

En littérature jeunesse, on trouve un foisonnement sans fin de titres dont l'objectif est de parler des problèmes que peuvent rencontrer les enfants au cours de leur courte mais intense existence. Avec plus ou moins de succès, ces titres se targuent de se mettre "au niveau" de l'enfant (c'est à dire de s'adapter à leur intellect trop immature pour saisir toute l'ampleur d'un problème). Cela va sans dire que nombre de ces livres, plébiscités pourtant par les enseignants ou les bibliothèques, sont boudés par les enfants eux-mêmes, qui sentent parfaitement bien quand on les prend pour des crétins.

Eeeeeeet puis des foiiiis... L'alchimie prend et on tombe sur de très jolies choses. Aujourd'hui, je veux vous parler d'un livre haut en couleurs qui vient de sortir chez Thierry Magnier : La vie de l'unique, l'étonnante, la spectaculaire, la miraculeuse Lara Schmitt, écrit par Heinrich Finn-Ole et illustré par Ran Flygenring.
Présentation : Lara a tout pour être heureuse : des parents attentionnés, des copains, et surtout son chez-elle, son « Empire ». Pourtant, Lara est une râleuse de première catégorie ! Ses accès de colère lui ont valu le surnom de Râla. Le matin, elle boit du Râcao, son chez-elle est la Râlbanie et elle adore faire des râlins à ses parents !
Mais le jour où Lara doit suivre sa mère dans une vilaine maison en plastique, la vie de rêve s’effrite… L’ « homme », comme elle appelle son père, est-il responsable de ce malheur ? Désormais, sa colère est un fantastique moteur de vie, capable de déplacer des montagnes et de rendre l’impossible envisageable. Et l’impossible, pour elle, c’est retourner vivre en Râlbanie ! Tour à tour frondeuse, boudeuse et fantasque, les fracas de la vie ont beau s’acharner sur Râla, son tempérament la pousse à relever le défi avec lucidité et ténacité.
On est d'abord frappé par l'orange vif de la couverture, avant de plonger avec délice dans le récit que la jeune Lara - alias Râla - fait des horribles événements survenus récemment dans sa vie. La pauvre jeune fille vient de quitter l'appartement magique où elle vivait avec ses parents, entourée de plantes en pots, de petits-déjeuners à rallonge et de couvertures multicolores et moelleuses pour aller se terrer dans une désespérante "maison en plastique" avec sa maman. Son père - qu'elle surnomme désormais "l'homme" - est resté dans l'empire sur lequel Râla régnait, la Râlbanie, et il semblerait bien que la pauvre jeune fille soit condamnée à rester vivre pour toujours dans cette banlieue résidentielle sans âme. 

Mais Lara-Râla n'a pas sa langue dans sa poche, et c'est un pur bonheur de suivre ses élucubrations hautes en couleurs, de compatir au nombre de ses malheurs et de détester avec elle tout ce qui lui arrive. Car ce récit est fait avec un style très imagé, un vocabulaire très riche et conduit avec un humour intelligent, vif et dynamique : on avale les quelques 170 pages avec ravissement! C'est un régal de lire un texte aussi dense dans un livre accessible dès qu'on sait bien lire tout seul. 

Le récit est également mené avec subtilité, patience et douceur. Si Lara est perpétuellement en colère contre le monde entier, elle entraperçoit avec nous toute la complexité d'une situation qui la dépasse. Accompagnée de ses deux tortues et d'un toupet qui force l'admiration, la demoiselle va mener l'enquête sur les raisons qui ont poussé ses parents à se séparer. Pourquoi ne vivent-ils plus ensemble? Pourquoi son père est resté seul en Râlbanie? Pourquoi cette maison toute en plastique avec ces poignées partout? Heureusement, elle peut compter sur l'aide de son grand-père (un personnage sorti tout droit d'un chapeau de magicien), de sa bande de copains de toujours, et d'un garçon rencontré dans sa nouvelle école, qui ne parle pas pour ne rien dire et a également sa propre vie compliquée. Elle finira par découvrir la vérité nue, telle qu'on la masque souvent aux enfants dans l'espoir de les préserver, et décidera d'accepter la réalité avec courage et humour.


Le texte est également servi par des illustrations tout le long du livre. J'avais un peu peur de la mode Journal d'un dégonflé, mais ici, les dessins fonctionnent vraiment comme un pendant du texte et les deux se complètent très bien. Si le style de Flygenring peut perturber par son côté gribouilli, il correspond parfaitement au récit de la vie de Lara, et l'on viendrait presque à croire que c'est elle qui a coloré les pages de son histoire.

En bref, une très, très bonne découverte qui peut se lire gratuitement pour le plaisir, mais qui peut également parler avec sincérité et humour de sujets délicats comme la séparation, le déracinement et la maladie. Un texte vif et intelligent que je recommande chaudement!



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